Tranga 2.0
Pas un jour ne passe sans son lot de profils passés en noir. Pas un jour sans découvrir, le matin venu, la liste des infortunés qui nous ont quitté dans la nuit. S’ensuit une nouvelle routine : de manière répétitive, presque impulsive, « liker », laisser un commentaire désolé. Au début, le choc laissé par une vague de disparition forçait un peu de formalisme et de solennité dans les posts les heures et les jours qui suivaient. Comme pour respecter l’ambiance de deuil de la timeline, on postait un peu de moins de posts polémiques ou humoristiques. Mais avec le temps et la répétition, cette litanie de nombre de morts a commencé à faire partie du paysage et l’on scroll dans la tl en slalomant entre les différentes annonces de décès sans forcément s’attarder. Ces jours de deuil, d’exception, sont devenus une norme.
Une norme qui suit pourtant deux écoles, celle qui va taire le nom, la photo voire la biographie du défunt. Et les condoléances présentées respectent une certaine forme d’anonymat. On se désole d’un air entendu. Entendu que seuls les proches et la famille sont au courant du décès, et implicitement l’idée véhiculée est que si vous ne savez pas qui c’est, cela ne vous regarde pas. Dans les tenants de cette école, il y a aussi ceux qui considèrent comme indécent de nommer le défunt et que partager son image serait à la limite du sacrilège. Puis l’autre école va limite ériger un autel de veille funèbre à la mémoire du mort : photos, nom et généalogie, les screens des derniers sms ou messages échangés. Et l’on s’épanche collectivement avec pêle-mêle une effusion d’emojis et de duas inversement proportionnelle à sa proximité avec le disparu.
La disparition d’Amir Bobah a plutôt été accueillie avec les codes propres à la deuxième école. Peut-être parce qu’il était un membre de la communauté aussi populaire et emblématique dans le réel que le virtuel? Il incarnait à merveille ces personnalités qui ont réussi à exister réellement et virtuellement et il a été célébré par ces deux communautés d’appartenance. Ceux qui ne l’avaient jamais vu ni rencontré mais qui avaient pourtant l’impression de le connaître à force de lire ses posts tour à tour engagés, impertinents ou pleins d’humour et les montages photos dont il était coutumier. Et ceux dont il a partagé la vie : la famille, les amis, les connaissances et les habitués de sa célèbre boutique Rive Gauche. Facebook est évidemment le terrain où ces tranga 2.0 se déroulent. Ce changement de notre rapport avec la mort a été rendu encore plus nécessaire avec les restrictions sanitaires qui interdisent d’aller là où notre coeur ou notre devoir nous appelle pourtant. Auprès des familles, auprès du disparu, à la lueur du maghrib ou du fajr naissant, y lire le coran.
Émergence contre la population vs émergence du clan Azali
Le Ministre des finances, du budget et du secteur bancaire, Said Ali Chayhane, décide par arrêté ministériel une augmentation exorbitante des tarifs des documents d’état civil : acte de naissance, certificats de résidence, fiches individuelles, acte de mariage et de divorce, acte de décès..etc, sont concernés. Ces hausses vont du simple au double voire plus du triple : l’acte de naissance passe ainsi de 1500 KMF à 2500 KMF, le certificat de résidence de 1500 KMF à 5000 KMF.
- 60% des recettes iront dans les caisses de l’État
- 30% pour les communes
- 10% pour la “Régie”
Cette entité créée pour l’occasion est placée sous l’autorité du Trésor. L’Etat finit donc par rafler quasiment toute la mise en encaissant 70% des recettes au détriment des communes.
C’est une taxe déguisée qui concerne tous les Comoriens. Le citoyen est pressé comme un citron de la naissance à la mort, en passant par son mariage et son divorce. Chaque étape de sa vie doit enrichir le raïs et sa cour. Il sera saigné à blanc mais qu’il n’espère pas des droits, de l’eau courante, de l’électricité ou des hôpitaux en retour. Le service public selon le régime est à un seul sens : le public au service d’un clan.
Cette hausse intervient quand même dans un pays où 23,5% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté soit avec moins de 600 KMF/jour. Une population qui fait face — seule — à une crise économique et sanitaire (pour ne citer que celles-là). N’espérez pas avec moins d’un euro par jour réussir à manger, vous déplacer, vous soigner ou accéder à une éducation. Un mouvement de contestation en ligne est lancé par Ngo’shawo et nous vous invitons à le suivre. La transparence dans la dépense des deniers publics est une chimère : où passe et passera l’argent des Comoriens ? Que veut dire service public aux Comores ? L’Etat est-il une entreprise à but lucratif au profit de politiciens illégitimes ? Parlons sérieusement !
Quand est-ce que les sbires d’Azali vont faire semblant d’agir pour les Comoriens ? L’émergence dont ils parlent : émergence des Comores ou émergence du clan Azali ?
Cours en distanciel aux Comores : «pourquoi chez nous c’est compliqué ?»
Le 22 février, les écoles et universités seront ouvertes à Mohéli et le 1er mars, dans les deux autres îles, selon le ministre de l’Éducation nationale Moindjié Mohamed Moussa.
Afin de respecter les mesures barrières, les travaux dirigés et les examens auront lieu en présentiel, les cours magistraux auront lieu à distance, via internet. Mais ce cher ministre de l’éducation nationale précise pourtant que « 80 étudiants et professeurs ne sont pas munis d’ordinateurs portables et certains ne savent même pas comment manier ces outils ». Mais comment?! Découverte du jour? Est-ce vraiment surprenant?
Comme d’habitude, surtout ne pas s’interroger sur leur responsabilité, et nous rêvons bien sûr mais pourquoi ne pas s’interroger sur ce qui pourrait être fait pour améliorer les choses? Mais bien évidemment, faire peser cela sur les parents qui doivent s’adapter, et les étudiants au lieu de surfer sur internet, utiliser la connexion pour les cours. Est-ce qu’il serait possible qu’un jour, les responsables politiques comoriens agissent au nom du peuple comorien ? Que le semblant de mesure pris par ces personnes prenne en compte la réalité comorienne ? quel est le rôle de l’éducation nationale aux Comores ? Serait-il possible que le salaire moyen du comorien soit pris en compte ? Quel est le salaire moyen d’un professeur ? Combien coûte un ordinateur ? Quel est le coût d’une connexion internet ? Les professeurs sont-ils formés pour enseigner à distance ? Ah puis question technique : y a-t-il l’électricité chez ces professeurs et étudiants ?
Comme le dit M. Moussa, « pourquoi chez nous c’est compliqué » ? Peut-être que la réponse serait de regarder de plus près les politiques nationales et examiner vos propres mesures. A quoi servez-vous et comment servez-vous le peuple comorien ? Ce serait peut-être cette question que vous devez vous poser.
RIP l’Accord de Fomboni ?
Nous célébrons les 20 ans de l’Accord cadre pour la réconciliation aux Comores dits « accords de Fomboni » signé le 17 février 2001.
Ces accords font suite à la crise séparatiste de 1997 qui avait vu les îles d’Anjouan et de Mohéli faire sécession. Cet accord cadre a permis la mise en place d’une période transitoire et donné naissance à la désormais feue Constitution de 2001, qui se voulait garante de l’unité nationale tout en assurant l’autonomie des îles, faisant apparaître la fameuse présidente tournante. M. Hamada Madi Bolero, l’un des négociateurs de l’accord et ancien Premier ministre sous Azali I, nous dit que cet accord « n’a rien de particulier » et n’illustre que la volonté des comoriens de se réconcilier.
Ah bon ? Rappelons que parmi les objectifs de cet accord, se trouvaient la promotion des « facteurs qui nous unissent […] pour concrétiser les intérêts supérieurs de nos populations » et la prise en compte de « l’impérieuse nécessité d’instaurer la justice, l’égalité, la démocratie, la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme et des libertés publiques ». Quel lointain souvenir. Beaucoup de choses peuvent être dites sur la Constitution de 2001 : elle a ses fervents défenseurs, elle a ses critiques acerbes. L’héritage de cet Accord ? L’alternance politique. La diversité politique.
N’oublions pas qu’elle a eu le mérite de voir émerger des hommes et femmes politiques venant d’ailleurs que Ngazidja ; que le pouvoir politique a également tourné entre les îles, ce qui 20 ans après une crise séparatiste qui a manqué de peu de disloquer la Nation, est assez significatif. Autre fait positif : une transition pacifique a su être organisée —enfin, jusqu’à l’arrivée de vous-savez-qui.
Bref, RIP l’Accord de Fomboni.