Dans sa lutte multiforme contre l’exploitation et l’oppression, l’humanité inventa la république. Marche longue et sinueuse, lutte sans fin qui continue aux différentes époques et dans tous les pays. Contre les empereurs, les rois et les dynasties, on exigea des gouvernances fondées sur des lois. Contre l’usage de religion pour légitimer des pouvoirs absolus, de droit divin parfois, y compris des monarchies constitutionnelles, on érigea le principe de la séparation État/religion. Contre toutes les tentatives de dévoiement de la république, on associa république et démocratie. La république démocratique marche sur deux pas : la séparation des pouvoirs et des Constitutions garantissant le droit de chacun à la vie, à la liberté. Le but suprême est d’éviter tout abus et d’offrir à tout un chacun la possibilité de recours pour défendre ses droits fondamentaux : expression, organisation, liberté de conscience, etc.
Malheureusement entre la réalité et la théorie, le fossé a toujours été considérable. Dans les pays « capitalistes », l’argent-roi a peu à peu pris le pouvoir. Le bénéfice des différents droits dépend du portefeuille. Le droit aux soins, à l’éducation, à la justice (les avocats) ! S’y ajoutent certains ostracismes, la couleur de la peau, le sexe, citoyenneté niée, etc. Des États démocratiques de pure forme, dont les dérives sont de plus en dénoncées. Certains analystes français vont même jusqu’à considérer la République française comme une « monarchie élective ».
Dans les pays « socialistes », on a créé des « républiques démocratiques et populaires » en niant la séparation des pouvoirs ; séparation considérée non sans quelques raisons, comme une « hypocrisie bourgeoise ». On a frayé ainsi la voie à toutes sortes de totalitarisme. Des dirigeants autoritaires se comportant en criminels pour conserver le pouvoir. Cela s’est aussi vu dans l’organisation de partis se réclamant de la révolution populaire. Ces dernières années, les crimes d’une mondialisation libérale arrogante ont conduit à une revitalisation de l’idée de république démocratique.
Le monde n’a jamais été aussi riche. Mais cette richesse est de plus en plus concentrée. D’où le paradoxe : la pauvreté n’a jamais été aussi étendue. Les populations des grands pays « riches » sont massives réduites à la mendicité, à la vie dans les rues. Le mouvement des GILETS JAUNES en France le révèle. On découvre l’existence de « travailleurs pauvres », de « retraités mendiants », une misère inimaginable, des drames personnels révoltants. L’exploitation à grande échelle des richesses naturelles au profit d’une poignée de personnes met en danger la vie sur la planète, aliène les générations futures.
Les États de ce système ultra-financier vise la protection des riches, grignote à toute vitesse tous les droits sociaux, se militarise dans beaucoup de cas. Les États des grands pays perdent de vue les intérêts des peuples et agissent en commerciaux des grosses multinationales, renouent avec les pires formes de l’impérialisme, soumettant les pays sous-développés à un néo-colonialisme agressif : ingérence grossière dans les affaires intérieures quand ils ne peuvent pas placer leurs hommes de paille à la tête de nos pays.
Les peuples ripostent avec la république, la redécouvrent et veulent innover. Cela se voit dans beaucoup de pays même si bien évidemment les processus ne sont pas aussi simples. Entre « le printemps arabe », le soulèvement algérien et soudanais, en passant par les révoltes françaises, etc. les points communs ne sont pas évidents. L’unité doit être recherchée dans le rejet de l’oppression et les problématiques soulevées : la volonté libératrice, la préservation des biens public contre la corruption, la recherche des voies de conquête et de préservation des libertés fondamentales des personnes, etc.
Aux Comores, c’est la brutalité du régime Azali qui a enclenché le processus. Le pays s’est toujours proclamé république ou revendiqué comme tel sans que cela se traduise dans les faits. Pour les simples gens, il ne s’agit que d’un mot sans contenu. La dissolution cavalière de la Cour Constitutionnelle a provoqué un choc. Réveillant les juristes, les rendant audibles auprès de la population. Car personne ne se faisait d’illusion sur l’indépendance de cette institution fut-elle faîtière ! L’arrogance, la légèreté du président ont profondément choqué l’opinion. Par la suite, le pouvoir a cru pouvoir tout se permettre, et il a encore enfoncé le bouchon : la mascarade référendaire, les lourdes peines de la Cour de Sûreté. Les élections présidentielles de mars 2019 parachevèrent le tout. D’où la crise.
Crise indéniable malgré les dénégations du pouvoir. Essentiellement crise de légitimité. On se rappelle le 26 mai 2016, une investiture nationale parce que toute la classe politique était là, parce que tous les anciens présidents étaient là. Parce que malgré toutes les péripéties des présidentielles, les résultats s’imposaient à tous. Rien de commun avec l’investiture du 26 mai 2019, une investiture d’un clan malgré la présence massive. Comme si on persistait dans la voie de la division du pays. Comme si seul le clan Azali comptait. Le pouvoir semble avoir choisi : continuer comme si de rien n’était. Même si on promet l’apaisement, on en brandit pas moins le spectre de la répression contre tout « contrevenant à la loi ».
Dans le pays, rien ne bouge. L’opposition semble s’être évaporée. Certains de ses dirigeants ont pris la fuite, en bénéficiant de complicités françaises évidentes !? Les services français dans leurs œuvres illisibles de déstabilisation permanente des Comores.
À l’extérieur du pays, la diaspora semble en ébullition. Des manifestations sans précédent et qui durent depuis plusieurs mois ! On y perçoit des clivages essentiels entre ceux qui se limitent à de l’anti-Azali primaire, qui considèrent tout opposant à Azali comme un patriote de la première heure et de l’autre coté, ceux qui rejettent les résultats des présidentielles jugées à juste titre comme une mascarade et qui veulent que leur pays se réforment pacifiquement sur les principes d’une république démocratique qui respectent l’insularité du pays tout en renforçant son unité essentielle.
Les interrogations sur les destinés du pays se bousculent. Pour l’heure force est de constater que la seule force réellement présente sur la scène politique nationale c’est la Mouvance Présidentielle elle semble s’acheminer vers la création d’un parti unique. En face rien de consistant pour l’instant.
La balle est donc dans le camp des partisans de l’idée d’une République Démocratique Comorienne.
De leur réveil dépend l’avenir du pays.
Idriss Mohamed (27/05/2019)