C’est l’âme meurtrie que nous lisions hier les mots pragmatiques et déchirants de l’un de nos frères naufragé au large de la Tunisie. Nous présentons toutes nos condoléances aux familles et souhaitons aux âmes qui nous ont quittées de reposer en paix à défaut d’avoir pu vivre en paix.
Quel a été le plus dur pour notre frère et ses compagnons ? Prendre la décision de partir ? Avoir la foi, non pas d’un avenir meilleur, mais d’un avenir tout court ? Ce qui est certain, c’est que ces morts tantôt de jeunes gens qui sont l’espoir de toute une famille, tantôt de femmes et d’hommes qui espèrent pouvoir se faire soigner, tantôt de mères qui tentent d’accoucher dans des conditions sanitaires normales, nous les pleurons depuis bien trop d’années maintenant. Pourquoi ?
Parce que le système de santé comorien est trop défectueux. Selon une note de l’Agence Française de Développement (AFD), “seuls 43 % des accouchements se font au sein d’une structure sanitaire. Les principaux obstacles à l’utilisation des services de santé sont d’ordre économique et liés à la faible qualité des services. (…) Le personnel qualifié (médecin, sage-femme, infirmier diplômé d’état) ne représente que 44,8 % de l’effectif total.”
Toujours selon l’AFD, “le recours au système sanitaire des pays étrangers, (….) est de plus en plus fréquemment mobilisé pour des soins courants.” Pour les populations les plus pauvres, “les voies clandestines du passage à Mayotte” sont la seule solution. Pour preuve, 20 000 vies de comoriens ont été prises par la mer. Parce que l’Etat dans son entièreté est défectueux !
N’ayons pas peur des mots, tant que notre solidarité, nos cagnottes, nos western unions seront les seules réponses aux conditions de (non)vie de nos familles nous pleurerons encore. Tant que l’Etat ne sera pas responsable, nous pleurerons nos frères, nos mères, nos pères et nos nourrissons. Monsieur le Président autoproclamé, si c’est avec “une immense tristesse” que vous avez demandé à votre service communication de tweeter hier pour présenter vos condescendantes condoléances aux familles des victimes, sachez que c’est avec le poids d’innombrables morts sur la conscience que vous et votre gouvernement défaillant devriez prendre les mesures nécessaires pour que chaque Comorien puisse vivre dignement. Quelles sont vos priorités ? Que comptez-vous faire maintenant ?