Tribune du Collectif Ufahari wa Komori où nous posons la question du traitement inhumain et dégradant imposé aux prisonniers comoriens. Avec la dictature, une politique carcérale encore plus répressive et cruelle règne, et ce sont les plus vulnérables et les plus pauvres qui trinquent.
La prison est censée être le lieu où l’on maintient ceux que la société considèrent comme indésirables.
Vous pensez violeurs, cambrioleurs, tueurs et autres criminels? En réalité, on y retrouve essentiellement les pauvres, les malades mentaux, les marginaux et les opposants politiques. Aux Comores, votre argent, votre village, votre statut social et vos soutiens politiques peuvent vous éviter la prison. De toute façon, l’absence de système judiciaire digne de ce nom ne vous garantit pas le droit à un procès – combien ont été jetés dans les geôles puis la clé jetée aux oubliettes ? – encore moins que celui-ci soit équitable et juste. Il n’y a pas de justice aux Comores. On le sait. Les pauvres subissent la double peine – être privé de liberté, être privé de liberté dans des lieux où ils vivent entassés dans la crasse, affamés et complètement livrés à eux-mêmes. D’autres comoriens, des criminels pourtant bien endurcis, flânent dans des 4×4 flambants neufs, bullent derrière des bureaux en bois massifs, squattent les salons VIP des aéroports internationaux, et ne sont ni inquiets ni inquiétés par la justice.
Les criminels sont au sommet de l’état.
En tant que victime, ça veut dire quoi? L’absence de démocratie assure l’impunité de tout criminel protégé par le pouvoir – ils sont nombreux – et empêche le fonctionnement normal de la justice.
En tant que citoyen, ça veut dire quoi? La justice du pays, c’est la roulette russe, le tribunal est un casino où tout le monde peut faire ses jeux mais où la maison – le pouvoir – ne perd jamais.
Voici des images de la prison de Moroni. On y voit des hommes allongés par terre dans une promiscuité étouffantes, pas de fenêtre ou d’aération en vue. On constate que les cellules semblent si surpeuplées qu’il n’y a pas de place pour que tout le monde dorme au sol, alors certains sont debout et regardent les autres dormir ou tout du moins essayer. D’après des témoignages reçus par Ufahari Wa Komori, il faut payer pour négocier le « droit » de dormir au sol. Les places sont chères. Au moins 1500 fc la nuit. Une sorte de location entre ceux qui peuvent se payer le « confort » d’une nuit au sol, et les autres, qui monnayent l’occupation de leur espace restreint pour pouvoir survivre, manger.
On ne sait pas, avec la pandémie qui fait rage actuellement. Les répercussions probables en dehors des murs de la prison de Moroni. Un lieu d’enfermement certes, mais extrêmement perméable : les échanges avec l’extérieur sont quotidiens (employés, nourriture, matelas, eau etc.). Il fonctionne comme une communauté, une ville à part, avec sa hiérarchie, ses règles. Des hommes et des enfants mis au ban de la société, alors ils en recréent une, à côté. Car malgré le traitement inhumain et dégradant qu’ils subissent, les prisonniers restent des hommes et à travers le système d’entraide ou de commerce, il exerce un semblant de dignité et rétablit de manière fugace les conditions de leur humanité en se réappropriant l’espace, en créant une économie souterraine et en faisant respecter un système dans un lieu prévu pour être un trou à ordures.
Que faire? L’état interdit formellement toute prise de vue de ses prisons. Pour lutter contre l’omerta, faites tourner ces images, notre texte, faites savoir autour de vous que vous connaissez désormais les conditions d’incarcération des Comores et qu’elles vous indignent et que vous les jugez inacceptables. L’adage dit « qui ne dit mot, consent ». Alors si vous êtes contre ce qui se passe aux Comores au niveau de la justice, dites quelque chose.
Le Collectif Ufahari wa Komori