Violences policières et étatiques au pays très démocratique des Comores.
Ibrahim Mhadjou, détenu à la maison d’arrêt, fait partie des prisonniers qui s’étaient évadés de la maison d’arrêt de Moroni le 15 novembre dernier. Ses codétenus témoignent que leur arrestation a été suivie de violences policières, coups et blessures ayant entraîné sa mort le 24 novembre 2020 à la maison d’arrêt de Moroni. Le médecin de la maison d’arrêt, sans qu’une autopsie n’ait été réalisée, conteste leur version des faits et considère qu’il s’agit d’une mort naturelle. Pour autant, une enquête sur sa mort est ouverte «pour mort naturelle».
Pays de l’absurde vous avez dit ? [En savoir plus]
Militants du M17 arrêtés suite à des tags à Mohéli
Des militants du Mouvement 17 (groupe d’opposition au pouvoir) arrêtés et condamnés le vendredi 27 novembre. Les tags sur les murs avec le slogan « Azali nalawe » = « Azali dégage » « 3 x 7 » (référence à l’échéance de la tournante à Anjouan initialement prévue pour 2021 selon la constitution de 2001 abrogée illégalement par le texte de 2018) à Fomboni, Mohéli. Certains membres ayant reconnu les faits ont écopé entre 1 et 6 mois fermes pour « acte de déshonneur contre la personne du chef de l’État et des autorités de l’île et trouble à l’ordre public. »
Demander le départ d’un président illégitime, rappeler que la Constitution de 2001 est toujours en vigueur et l’écrire sur un mur… est-ce vraiment un trouble à l’ordre public ? Les autorités de Mohéli ont-elles été insultées ? Azali lui-même a-t-il été insulté ? En quoi le public a-t-il été troublé ? Au pire, ils ont exprimé sur les murs de Fomboni ce que des milliers de Comoriens écrivent tous les jours sur les murs de Facebook… Et alors ? Le dictateur serait-il susceptible ? [En savoir plus]
L’Etat cède trois des quatre îlots les plus célèbres de Mohéli
Le ministre des Finances et le ministre de l’aménagement du territoire ont cédé 891 hectares mohéliens, dont une partie importante du parc marin de Mohéli, à MCP Group Holding le 16 octobre 2020. Cette cession dans le cadre d’un projet hôtelier, et ce malgré l’interdiction en vigueur des activités altérant le caractère fondamental du parc, pose de sérieuses questions économiques et environnementales.
Le ministre de l’environnement assure dans une interview du 23 novembre, que les projets en question ont pour préalable le respect de l’environnement. Pourtant dans les quatre arrêtés signés, il n’y a aucune mention de critère environnemental, ni même un quelconque engagement ou contrepartie de la part de MCP si ce n’est la création de l’hôtel. De qui se moque-t-on ?
Si ce projet voit le jour, Mohéli (et donc les Comores) pourrait perdre sa place dans la liste mondiale des réserves naturelles protégées où l’avait intégré le Conseil de l’UNESCO il y a un mois. Mais est-ce que cela préoccupe nos chers ministres ? D’ailleurs, comment une part aussi stratégique du territoire national peut-elle être cédée aussi facilement à un groupe étranger qui vient à peine d’être créé ? Comment cette cession a-t-elle pu se faire dans des conditions aussi floues et sans aucune garantie pour la population ou l’environnement ? [En savoir plus]
Les Comores entre dans une nouvelle ère : l’énergie solaire
Lancement de la 1ère centrale photovoltaïque des Comores à Anjouan, le 28 novembre. Avec une capacité de production de 4 MW d’électricité, la centrale de Pomoni va alimenter l’île jusqu’à 40% de ses besoins. Deux autres centrales sont prévues à Bambao-Mtsanga et Trenani pour une production 12 MW au total. Ce projet voit le jour grâce au partenariat privé-public entre VIGOR et l’Etat comorien. L’installation a été effectuée par des entreprises locales, Sonelec assure la commercialisation et Engie EPS s’occupe de la production. Un projet qui est estimé à 15 millions d’euros, dont sans doute une grande partie du financement vient du programme ENERGIES, un programme de la COI pour la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Elle est financée par l’Union européenne à hauteur de 15 millions d’euros (aussi). Un autre centrale verra bientôt le jour à Foumbouni.
Une bouffée d’air non polluée qui pousse à la réflexion tout de même. L’archipel des Comores dépend à 90% d’énergie polluante et très coûteuse. Cette avancée vers le solaire va-t-il permettre de baisser la facture de l’électricité ? Pourquoi l’Etat comorien n’a-t-il pas investi à Mohéli, « l’île de l’avenir touristique du pays » pour citer le ministre du tourisme et de l’énergie ? Elle qui n’a besoin que de 500 KW pour couvrir tous les besoins de l’île, qui n’a toujours pas d’aéroport digne de ce nom, ni de port et encore moins de routes. Et comment les promoteurs privés à qui l’on cède ces terres protégées vont-ils pouvoir faire du tourisme de luxe sans lumière ? [En savoir plus]
Après la pluie d’éloges, quel avenir ?
Haifaou Younoussa, doctorante à l’université de Cheikh Anta Diop au Sénégal, fait partie des 20 lauréates du prix l’Oreal-UNESCO pour la femme et la science. Elle est récompensée pour ses recherches dans l’identification des anomalies chromosomiques et moléculaires liées aux troubles du développement du sexe dans la période prénatale et post-natale. C’est la première fois qu’une Comorienne reçoit ce prix, une distinction mais surtout une bourse de 10 000 € qui va permettre à notre étudiante de finir sa thèse dans de bonnes conditions.
C’est à travers le reportage de TV5 monde, que les Comoriens découvrent cette jeune femme de 28 ans soutenue financièrement par ses parents. La voix off du reportage nous explique qu’Haifaou Younoussa n’a pas hésité à partir de chez elle pour faire sa thèse… Mais avait-elle seulement le choix ? Quelle alternative donne-t-on à la jeunesse comorienne que celle de quitter le pays ? Peut-elle espérer réaliser ses rêves en rentrant sur l’archipel de la lune avec leur beau diplôme ? C’est ce qu’espère Haifaou, de l’aide et l’accompagnement du gouvernement pour réaliser son rêve: développer le monde de la recherche aux Comores.
Pour l’instant, elle devra se contenter d’une pluie d’éloges sur les réseaux sociaux et d’un tweet de félicitation d’Azali Assoumani qui exhorte la jeunesse à faire comme elle. [En savoir plus]
Combien de morts les Comoriens doivent-ils encore supporter ?
Une fois de plus, des Comoriens meurent en mer en tentant de rejoindre Mayotte. 3 décès et 11 disparus, dont 4 enfants, le 29 novembre après qu’un kwasa transportant 17 personnes a chaviré. Mariama Ali Youssouf Mbalia et ses enfants y ont perdu la vie. Paix à leur âme.
La situation de cette dernière nous interpelle : elle a moins de 30 ans, a vécu longtemps à Mayotte et y a même donné naissance à ses deux derniers enfants. Puis elle a été refoulée vers les Comores pour ensuite trouver la mort en mer en tentant de retourner à Mayotte.
N’y a-t-il pas là une atteinte au droit à la vie privée et familiale (droit de vivre avec sa famille garanti normalement par le droit européen et français donc) de cette jeune femme, de ses enfants nés à Mayotte et dont le père se trouve à Mayotte ? Le droit commun français censé protéger les étrangers et les mineurs ne s’applique-t-il pas à Mayotte ? (spoiler: non) Les citoyens comoriens seraient-ils des habitants de seconde zone ? L’État comorien compte-t-il un jour s’intéresser à la situation de ces Comoriens privés de leurs droits élémentaires du fait de la présence de la France à Mayotte ? Combien de ses ressortissants devront mourir avant que l’Etat s’empare de la question ? S’il a pu refuser le refoulement d’étrangers vers nos trois îles, pourquoi accepte-t-il aujourd’hui que des Comoriens privés de leurs droits soient expulsés sur notre territoire ? [En savoir plus]
Réforme judiciaire ou poudre aux yeux ?
Un projet de loi relatif à l’organisation judiciaire en Union des Comores voit le jour. Le texte sera probablement validé lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale ce lundi 7 décembre et prévoit notamment la création de juridictions spécialisées (tribunal pour mineurs, Cour d’assises permanente par exemple), la suppression formelle de juridiction obsolète et héritée de la colonisation (bye la Cour de sûreté de l’État) ou encore l’instauration de tribunaux de proximité de première instance dans les chefs lieux de chaque île. Objectif proclamé : « parvenir à une justice égale pour tous, plus proche des justiciables, plus rapide et plus accessible. »
Sous cette apparente modernisation et ce semblant de volonté de rendre la justice plus transparente et plus accessible, on peut se demander s’il ne faudrait pas tout simplement annuler les textes issus et hérités de la colonisation et encore utilisés par l’État à son bon vouloir. Et surtout, on pourrait commencer par permettre l’accès des citoyens aux décisions judiciaires (la base)? De plus, dans un pays où le régime en place est de plus en plus violent, il serait peut-être temps de construire une véritable prison et une administration pénitentiaire digne de ce nom. La maison d’arrêt n’est pas une prison. Enfermer des mineurs et des adultes ensemble, tout en créant un tribunal spécial pour enfants en disant vouloir protéger les mineurs est l’une des nombreuses contradictions de cette réforme.
Les Comoriens auront-ils droit à une retraite dans 10 ans ?
La mobilisation des retraités suite aux retards de paiement de leur pension met en lumière le système archaïque dont Assiata Charif a hérité en juin 2016. Jeudi dernier, la directrice générale de la caisse des retraites des Comores confiait à Al-watwan que la caisse pourrait disparaître si les choses restaient en l’état. Mais de quoi parle-t-on ?
Leur budget de 130 millions KMF ne suffit plus. L’arrivée de nouveaux retraités haut cadres exige plus de fonds (ils coûtent plus cher que les retraités des générations précédentes.) Mais voilà, seule une partie des affiliés paient effectivement leur cotisation : le secteur public. Le maillon faible est le secteur privé qui ne compte que 120 entreprises affiliées. Pour rappel, tout employeur est tenu de déclarer ses employés après confirmation de leur recrutement à l’organisme de prévoyance sociale. Mais bon, la caisse a fait appel au ministère des Finances pour pallier ce manque, il devrait leur verser 180 millions de KMF à partir de novembre 2020.
Il faut savoir que la caisse des retraites est un des (trop) nombreux vestiges de la colonisation. Créée en 1967, elle a dû attendre 2018 pour enfin payer ses affiliés par virement et 2019 pour avoir un site internet à peu près à jour. Elle verse en moyenne 42 000 KMF par mois à plus de 3000 retraités. [En savoir plus]
Une grande figure de la politique comorienne vient de nous quitter
Said Hassan Said Hachim est décédé ce 30 novembre 2020 à Moroni
L’homme qui est entré en politique dans les années 60 dans le sillage de son mentor feu Saïd Mohamed Cheikh laisse un grand vide dans le coeur de la nation. Si nous regrettons qu’il ait servi la dictature d’Ahmed Abdallah Abdérémane, nous ne pouvons renier ses prises de positions souvent audacieuses tout au long de sa carrière politique. Il restera de lui, sa participation aux débats nationaux et ses bons mots savoureux qui lui ont valu le surnom de “Njizi” et qui lui ont permis de distinguer en tant que médiateur hors pair. Au soir de sa vie, le 22 août 2019, Said Hassan Said Hachim adressa à la nation une lettre ouverte qui ravivait tous les espoirs et confirmait sa réputation de sage. L’homme d’Etat nous y rappelait combien “l’intérêt de la Nation doit être supérieur à nos intérêts individuels” et tel celui qui passe confiant le relais, il confiait enfin : « mes yeux cherchent à croiser le regard plein d’espoir de nos enfants, et dans lequel je verrai briller l’étincelle de l’amour de notre pays. Cette étincelle qui s’accompagne d’une ferme volonté de lutter contre les injustices et les inégalités, au service de l’intérêt général du Peuple des Comores ainsi que de l’unité nationale. »
Nous aussi cherchons à croiser cette étincelle d’amour dans les yeux de nos frères et soeurs comoriens mais la jeunesse saura-t-elle tirer les leçons de son dernier message au pays ? Reposez en paix, cher grand homme, que le paradis soit votre dernière demeure.