La Covid-19 fait le choix de la tournante
Après les assises de 2016 et les « élections » qui ont suivi, les Comorien-nes pensaient le principe de la tournante mort et enterré. C’était sans compter l’année 2020 et le virus du Covid-19 qui a déferlé sur tout le monde, exposant à la vue de tous, l’impréparation, la désorganisation, le vide, les mensonges, le déni et l’incompétence de nombreux chefs d’État. Pour nous, ça n’a pas vraiment été une surprise, on s’est habitué à vivre sous un état systémiquement défaillant. Ce post n’a donc pas pour but de faire la très longue liste des défaillances de l’État comorien.
Non, aujourd’hui, nous avons réalisé que la Covid-19, soucieuse sans doute de respecter les principes fondateurs de notre 7ème constitution, a décidé de se déclarer au pays par vague successive, une île après l’autre. Souvenez-vous, les indicateurs d’alerte mahorais ont été les premiers à s’affoler l’année dernière. Cette année, la deuxième vague s’est déclaré à Mohéli, avant d’engager Ngazidja et aujourd’hui, tous les regards se tournent vers Anjouan alors que son gouverneur, Anissi, est évacué d’urgence vers des contrées où la prise en charge sanitaire n’est pas indigente. Cette crise a été l’occasion d’illustrer le sens de la solidarité nationale à la comorienne. La plupart des Comorien-nes, indépendamment de leur origine insulaire, se sont senti-es concerné-es par la crise mohélienne et l’ont affiché. Au niveau des autorités situées à Ngazidja, cela s’est traduit par un transfert de ressources humaines vers l’île de Djumbe Fatima, au point que quand le compteur des patients en état grave s’y est emballé, bon nombre des soignants de Samba étaient toujours sur l’île verte. La société civile s’est, elle, autosaisie à Moroni notamment, pour proclamer des moratoires sur les mashuhuli allant même jusqu’à lever des fonds pour l’île sinistrée par l’épidémie. Nous passons volontairement sur les couacs gouvernementaux qui ont émaillé cette crise. Ce post a pour but d’attirer l’attention les lecteur-ices sur le fait que le virus nous a montré le potentiel immense qui réside dans le principe de la tournante et de l’union. Le potentiel de pouvoir engager toutes les forces vives pour régler certains problèmes, île par île, non pas parce que celui qui est à la tête du pays en est originaire, mais par solidarité nationale. Un effort national qui, s’il était la norme, aurait pu sauver la vie de Chazna, morte asphyxiée à 11 ans, faute d’oxygène à l’hôpital. Ce n’est pas juste de nouveaux dirigeants qu’il faut aux Comores, mais un nouveau système basé sur l’unité et la solidarité entre Comorien-nes. Une union qui organiseraient des hôpitaux publics qui ne feraient pas peur à la population, une sécurité sociale… un système de santé public quoi… C’est l’une des leçons de cette crise.
Si même un virus mortel qui a bouleversé la planète et nos vies, a su respecter l’esprit des accords de Fomboni, peut-on espérer qu’Azali finisse par faire de même ?
Le pouvoir de la notabilité n’est pas qu’une histoire de Mharuma
Amina Mmadi, sage femme au croissant rouge, a été hospitalisée après avoir contracté le Coronavirus. Sur son lit d’hôpital, elle s’est filmée pour sensibiliser et alerter la population du danger de cette maladie. Cette vidéo n’a pas fait l’unanimité puisque les femmes notables de Nymadzaha Mbabao, ont décidé de la bannir de toutes festivités du village. Ce qui lui est reproché ? Avoir dit dans sa vidéo qu’elle venait de Nyumadzaha. Une honte ! Pire, elle aurait, selon, la notabilité féminine, porté préjudice à sa commune. Les hommes notables du village n’ont pas souhaité s’en mêler contrairement aux jeunes de Nyumadzaha qui ont apporté leur soutien à Amina, le 1er février lors d’une conférence de presse sur FCBK FM. Guérie, Amina a pu rentrer chez elle mais reste exclue de la vie sociale du village.
Cette affaire nous rappelle celle du père de famille banni par les hommes notables de Mbambani après avoir porté plainte contre le présumé violeur de son fils. Cela avait provoqué un véritable tollé sur les réseaux sociaux et avait poussé le ministre de l’intérieur à intervenir.
Vous l’avez sans doute remarqué, dans cet article, nous insistons fortement sur le sexe de la notabilité qui prend la décision de bannir, car cela a une grande importance. Nous oublions bien souvent que faire le anda, obtenir le titre de notable n’est pas qu’une question d’hommes. Les femmes aussi ont des droits, des devoirs et bien sûr des pouvoirs liés au statut de la notable. Un autre aspect qui nous interpelle : la cohabitation de différents droits aux Comores.
Mais comment tout ceci fonctionne ?
On peut dire que le droit comorien est composé du droit civil, du droit islamique et du droit coutumier. Tous ces droits cohabitent sous les cocotiers de l’archipel depuis des décennies. Cependant, il existe une différence entre le droit coutumier et les autres, celui-ci ne se transmet qu’oralement. À ce jour, il n’existe aucun texte officiel qui permettrait aux Comoriens de s’y référer. C’est pourquoi, on se retrouve parfois à devoir chercher un aîné pour nous éclairer sur l’arbitraire du Anda na Mila qui régit nos vies depuis nos premiers cris. Alors on se demande : est ce qu’il n’est pas temps de mettre tout ceci par écrit ? Avec tout le respect que nous devons à nos notables hommes ou femmes, si le Coran a pu être retranscrit sur papier, le Anda na Mila pourrait faire un effort non ?
Ce qu’il faut retenir du rapport sur les droits de l’Homme 2019-2020, aux Comores
En décembre 2020, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL) a publié le Rapport sur la situation des Droits de l’Homme aux Comores 2019-2020. La CNDHL y rappelle que « la liberté constitue la règle, la privation de liberté est l’exception ». En cette période de pandémie qui ravage notre pays, le pouvoir en place continue de s’en prendre à nos concitoyen.ne.s : garde à vue à tout va, amendes à la pelle pour « non port du masque », des contrôles judiciaires prononcés à tout bout de champs… En plus d’angoisser à cause du Covid-19 et son variant sud-africain présent sur notre territoire, nous devons également nous préoccuper du respect de nos droits les plus élémentaires. Encore.
Nous ne pouvons que déplorer la conclusion de ce rapport, bien éloigné de la réalité des Comorien.ne.s : « de manière générale, la situation des droits de l’homme en Union des Comores n’a pas atteint à un niveau de violations massives et/ou alarmantes » . Existe-t-il un seuil tolérable de violations des libertés publiques ? Si l’existence de cette organisation est nécessaire et salutaire, elle ne sera véritablement utile et au service des Comorien.nes que lorsqu’elle assumera une approche réaliste, sans complaisance dans ses observations et ses recommandations. Autrement dit, ce n’est pas demain la veille.
Retrouvez notre analyse complète de ce rapport ici.
407 millions de francs manqueraient dans les caisses comoriennes à cause de l’ASC.
L’ASC (Anjouan Stevedoring Company), société qui gère la manutention du port de Mutsamudu depuis 18 ans, doit au moins 407 millions de francs au fisc comorien, a déclaré l’AGID (Administration Générale des Impôts et de domaines), section insulaire d’Anjouan, dans une conférence de presse en date du 22 janvier 2021. Cette somme correspondrait à la dette d’impôts sur les sociétés et taxes sur la consommation (TC) que l’ASC n’a pas honorée de 2017 à 2019. Et cela ne choquait donc personne que même la TC, celle-là même qui est payé par quasi tout comorien, peu importe son statut ou revenu, et toute entreprise, ne soit pas honorée par une aussi grosse société telle que l’ASC ?
Cette dernière affirme être exonérée de toute forme d’impôts selon le contrat de concession signé avec l’Etat comorien. L’AGID qui semble avoir eu accès à ce contrat confidentiel dit de celui-ci qu’il est “très discutable sur la forme et le fond”.
Au moment où une riposte Covid-19 demande beaucoup de moyens, plusieurs questions financières se soulèvent. Et de toute évidence, cela serait regrettable de laisser une aussi grosse somme ne pas être encaissée. Mais l’AGID gagnera-t-elle ce bras de fer financier ?
L’AGID semble d’ailleurs bien active en ce début d’année. Le 18 janvier, elle annonçait passer enfin à une facturation normalisée via des caisses enregistreuses. Il se trouve que 45% de l’économie comorienne dépend de l’AGID, toute initiative permettant une transparence fiscale et une collecte efficace est donc à encourager. Peut-on espérer cette transparence à tous les niveaux ? Peut-on espérer un jour, avoir une idée claire, accessible à tous, sur les recettes de l’État et la manière dont l’argent public est utilisé ? Retrouvons-nous prochainement, nous le saurons peut-être.